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Journal d'un Schizophrène
5 août 2016

Sur le qui-vive...

qui_viveJe suis très vigilant concernant les maux de tête. Mes poussées psychotiques commencent toujours par de violents maux de tête. Avec le temps, j'arrive à identifier la banale céphalée de celle qui annonce le retour de « l'autre ». C'est un peu comme s'il frappait à la porte, par élan de politesses, et qu'il s'insinuait en moi avec malhonnêteté.
C'est assez curieux. La peur et l'angoisse de l'entendre parler dans ma tête à fait place à la résignation. Ce n'est pas non plus de l'abdication, mais plutôt une sorte de cohabitation contrainte et forcée. Je n'ai pas d'autre choix que de l'accepter lorsqu'il squatte mon esprit, alors si le ménage à deux peut se passer dans de bonnes conditions, je suis prêt à faire des compromis. Bien sûr, j'aimerais le foutre dehors sans préavis, mais c'est impossible. Je peux l'éloigner avec mon traitement désormais. Néanmoins je sens qu'il traîne devant ma porte, inlassablement, en attendant le faux pas. Je le renifle. Lorsque je suis fatigué (plus que d'habitude) j'ai l'impression qu'il cherche la faille pour s'introduire en douce. Alors, je reste sur le qui-vive. Je monte la garde sans arrêt. C'est sûrement cette vigilance psychologique qui me fatigue à la longue. Comment s'accommoder d'un voleur pernicieux qui prend le contrôle de ta vie quand bon lui semble ? Je ne peux pas accepter ça. Je refuse d'accepter ça. Chaque particule de mon être rejette tout ça, mais il faut bien qu'à un moment donné, la pression cesse pour trouver un semblant de lucidité lorsqu'il est là au milieu de mon chaos existentiel.
Au début d'une crise, c'est relativement simple. Je suis à peu près perspicace avant que la spirale délirante ne monte crescendo dans la perte de repères et de jugement. À chaque fois, ça a pris un mois (plus ou moins) avant d'atteindre la poussée maximale vers le délire mystique. C'est désormais l'enraiement de la crise que l'on cherche à provoquer avec l'aide de ma psychiatre. D'ailleurs, mes consignes sont très claires : dès que je sens l'apparition de bouffées délirantes au stade élémentaire, je dois téléphoner au centre médico-psychologique pour le signaler afin d'agir avant les crises deviennent problématiques (délires, pertes de contrôle, anémie, repli sur soi, etc.). Je ne peux pas citer tous les symptômes, mais seulement ceux dont je me souviens avant de sombrer.
Bref, j'ai le sentiment d'être la souris de laboratoire qui expérimente des traitements sur la compréhension de cette maladie. Je l'accepte volontiers. On peut s'approcher de la maladie et la soulager, mais il n'y a pas deux cas de schizophrénie identiques en tout point. Comme pour chaque individu, nous sommes uniques et la schizophrénie ne fait pas exception. Bien sûr, il y a les signes cliniques communs à tous les sujets qui souffrent de cette pathologie, mais les manifestations et les ressenties sont propres à chacun. Lorsque j'étais hospitalisé, j'ai croisé d'autres schizophrènes et c'est hallucinant (sans mauvais jeu d'esprit) de voir à quel point nous sommes disparates. On se reconnaît au premier coup d'œil, mais les échanges verbaux et relationnels vont d'une extrémité à l'autre. Il y a différents niveaux de schizophrène, ou plutôt différentes étapes. Quand l'état psychotique empire avec le temps, le contact avec les autres devient très difficile... Je prie que cela ne m'arrive pas. Pour l'instant, j'ai un recul d'une dizaine d'années sur mes symptômes et d'un an seulement avec le traitement. Comment va évoluer la maladie ? Est-ce que les périodes de rémissions seront stables ? Est-ce que je garderai mon autonomie ?... Beaucoup de questions qui trouveront des réponses dans un avenir un peu flou.

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